JURISPRUDENCE
________________________________________________________________
DROIT DES OBLIGATIONS
Sentence du 26 décembre
2002
L & csrts / B & csrts
(...)
Attendu que les parties
demanderesses postulent, à
charge des parties défenderesses,
l’application des sanctions
financières instituées
par le compromis du 29 novembre 2001 pour
le cas d’empêchement fautif de
passation de l’acte
authentique de vente, telles que détaillées
infra ;
Qu’elles demandent que soit
résolu le dit compromis
ou qu’il soit constaté que ce dernier a
cessé de produire ses effets
de par la faute des
parties défenderesses ;
Attendu qu’en tant que
dirigée contre les troisième
et quatrième défenderesses, mineurs d’âge, l’action
des parties demanderesses doit être déclarée
irrecevable
;
Qu’en effet, les mineurs ne sont
pas tenus par la clause
compromissoire contenue dans le compromis, en l’absence,
avérée,
d’autorisation judiciaire ;
Attendu qu’il résulte des
éléments
de la cause que si les parties demanderesses ont accompli toutes
diligences
afin de permettre la réalisation de la condition suspensive de
prêt
sous
laquelle la vente fut conclue, force
est de constater
que la première défenderesse n’a fait preuve
d’aucune bonne volonté dans
les démarches
obligatoires auxquelles elle s’était engagée en
vue de faire autoriser judiciairement
une telle vente
qui impliquait ses enfants mineurs, à savoir
les troisième et
quatrième défenderesses
;
Qu’en effet, en lieu et place
d’introduire la procédure
d’autorisation dans le délai contractuel de
deux semaines à dater de la
date du compromis
de vente, du 29 novembre 2001, elle ne le fit que
le 26 mars 2002, après que les
parties demanderesses
se furent inquiétées auprès de son notaire
de l’absence de nouvelles quant
à ce ;
Qu’elle ne leur signala pas
utilement l’existence de l’ordonnance
de la justice de paix du
(...) canton de Bruxelles, rendue le
17 avril 2002, réclamant
la remise d’un inventaire
authentique successoral et une
estimation récente
du bien mis en vente ;
Qu’elle ne s’est
présentée à aucune
des audiences fixées par cette juridiction, soit les 25 juin
2002 et 13 août 2002 ; qu’elle
est restée
en défaut de produire l’évaluation demandée
malgré
le
temps dont elle disposait à
cette fin ;
Attendu qu’il ne fait aucun doute,
dans l’esprit du tribunal,
que la première défenderesse était,
dès avant l’audience du 25
juin, déterminée
à ne pas donner suite au compromis, et escomptait
en fait de la part des parties
demanderesse que celles-ci,
de guerre lasse, renoncent à leur
acquisition ;
Que ses contradictions, telles
qu’elles ressortent de
ses lettres des 19 juin et 23 juillet 2002
adressées à la justice
de paix, quant aux
raisons de non tenue de l’audience du 13 juin,
témoignent déjà
de cette attitude,
désinvolte et dolosive, préjudiciable aux
intérêts
des demanderesses ;
Attendu que celles-ci, à la
fois réellement
soucieuses et désireuses de voir finaliser la vente,
n’ont pu, de bonne foi,
réaliser alors le caractère
irréversible de cet état d’esprit ;
Qu’au contraire, conscientes des
délais inhérents
à la procédure d’autorisation, elles avaient,
de bonne foi, patienté
jusqu’au mois de mars 2002
pour s’informer auprès de la première
défenderesse des suites de ses
démarches,
pour, ensuite, l’inciter régulièrement à accomplir
les
formalités requises, et
intervenir à la
cause devant la juridiction compétente ;
Attendu, toutefois, que la
décision irrévocable
de la première défenderesse de ne pas donner
suite à la vente devait leur
apparaître
avérée dès le 13 août, c’est-à-dire
au
moment de la
non-comparution des parties
défenderesses à
l’audience de la justice de paix, eu égard aussi au
contenu de la demande de remise
adressée par la
première défenderesse à celle-ci le 23 juillet ;
Que la disparition de tout espoir
de voir la vente aboutir
eût dû leur apparaître à cet instant avec
évidence, comme il l’eût
raisonnablement
apparu aux yeux d’un homme prudent et de bonne
foi ;
Attendu, au demeurant, que les
parties demanderesses ne
manquaient pas ou ne pouvaient manquer auparavant de relever des
indices
de la mauvaise foi de la première défenderesse ;
Que, de fait, le 4 juin, elles
indiquaient à celle-ci
que l’absence de réaction de sa part au courrier
comminatoire de leur conseil du 15
mai les conduisait
à intervenir dans la procédure
d’autorisation; le 21 juin, elles
prenaient acte de la
décision de justice de paix du 17 avril, alors
que la première
défenderesse avait, lors
d’un entretien téléphonique le 7 mai, nié en
avoir
connaissance ; enfin, le 1er juillet,
elles lui reprochaient
le caractère dilatoire de son
comportement dans l’obtention de
l’évaluation
de la valeur du bien et la production de
l’inventaire notarié ;
Attendu, enfin, que les parties
demanderesses indiquaient
également clairement, de surcroît
à titre ultime, dans leur
courrier précité
du 1er juillet, que le défaut de dépôt, en vue de
l’audience du 13 août, de ces
deux documents allait
les contraindre à « tirer toutes les
conséquences, en ce compris,
le cas échéant,
en vue d’une indemnisation.» ;
Que cette date du 13 août
doit à ce titre
être considérée comme celle de la rupture des
relations
contractuelles ;
Attendu, par ailleurs, que seule
la première défenderesse
doit être tenue pour responsable des
obstacles posés à la
procédure judiciaire
d’autorisation, en l’absence de maîtrise de la seconde
défenderesse sur cette
dernière, et eu
égard aux relations de parenté les unissant, de
surcroît
sous un même toit ; que les
parties demanderesses
le reconnaissent, à tout le moins
indirectement, puisque
l’exposé des faits de leur
mémoire impute la charge de
l’accomplissement des
démarches judiciaires dans
le seul chef de la première défenderesse ;
Que ces circonstances interdisent
de faire porter, fût-ce
partiellement, à la seconde
défenderesse, à peine
majeure au moment
de la conclusion du compromis et dépendant
économiquement de sa
mère, rien qu’en termes
de logement, le poids des négligences de cette
dernière et de l’échec
consécutif
du processus judiciaire ;
Attendu que, compte tenu de ce qui
précède,
il y a lieu de faire droit à l’action des
demanderesses, à l’endroit de
la seule première
défenderesse, en établissant toutefois comme
suit le niveau financier du dommage
illégitimement
subi par elles :
- Indemnisation contractuelle de
dix pour cent du prix
de la transaction
Attendu que cette
indemnisation est justifiée,
de par son caractère contractuel objectif,
forfaitaire et minimal ;
- Remboursement de l’acompte
versé
Attendu qu’il résulte des
débats que le
notaire Neyrinckx a déjà procédé à
la
restitution de la
partie de l’acompte détenue en
son Etude, de sorte
que subsiste effectivement un solde
correspondant au montant
conservé par le courtier
des défenderesses ;
- Frais et débours
exposés
Attendu que le quantum maximum de
ce poste doit s’apprécier,
d’une part, par rapport au
moment où l’échec du
processus judiciaire
d’autorisation ne faisait objectivement plus de
doute, à savoir le 13
août 2002, et, d’autre
part, à l’aléa, même éventuellement faible,
lié à la
décision qui eût
été prise
par la justice de paix, au niveau de l’acceptation de la succession du
père des défenderesses
et de l’acceptation
des conditions économiques de la vente, si la
première défenderesse
n’y avait pas fait
obstruction ;
Qu’en ce qui concerne les loyers
dont les demanderesses
postulent le remboursement, si
effectivement elles pouvaient
raisonnablement, à
l’origine, espérer ne plus devoir en acquitter à
partir du 29 mai 2002, date
prévue pour leur entrée
en jouissance du bien mis en vente, ce n’est
que le 13 août qu’elles ont
acquis ou devaient
avoir acquis la certitude de l’inanité de la
poursuite de la procédure
judiciaire d’autorisation,
et qu’il ne subsistait dès lors plus aucune
chance d’obtenir une décision
même favorable
en la matière ; qu’il est cependant acquis que la
débition de
l’entièreté du loyer
du mois d’août ne pouvait être contestée ; qu’en
revanche,
le
tribunal constate que les
demanderesses sont, à
la date de l’audience, toujours établies à
l’adresse mentionnée dans le
compromis ; que le
loyer versé depuis le mois de septembre 2002
constitue la contrepartie de
l’occupation d’un bien,
perpétuée à ce jour, et dont la fin n’est pas
établie ou
déterminée avec certitude
; que cette considération rend, à partir de ce moment,
le
dommage incertain, et donc en tant
que tel non réparable
; que l’indemnisation accordée par le
tribunal en vertu de la
présente sentence couvre
largement le dommage subi, aucune somme
n’ayant au demeurant
été déclarée
comme payée « en doublon » par les demanderesses
dans
le
cadre de l’occupation d’un bien ;
Attendu, enfin, que si les frais
de conseiller hypothécaire
et d’assurance, ainsi que les frais de
conseil exposés à
l’occasion de l’action
en intervention doivent être remboursés, car ils
furent
rendus nécessaires
respectivement par, d’une part,
la réalisation diligente d’une condition
suspensive de prêt et, d’autre
part, l’inertie
de la première défenderesse, telle que d’ailleurs
relevée par la justice de paix
dans son ordonnance
du 30 août 2002, le tribunal estime, en
revanche, que l’investissement en
temps et démarches
des demanderesses préalablement à la
conclusion du compromis et
jusqu’à l’intervention
de leur conseil est compris dans
l’indemnisation contractuelle
forfaitaire ;
PAR CES MOTIFS,
(...)
Déclare l’action des
parties demanderesses irrecevable,
mais seulement en tant que mue contre
les troisième et
quatrième défenderesses
;
Déclare l’action
fondée à l’égard
de la seule première défenderesse ;
Prononce la résolution du
contrat de vente du 29
novembre 2001 aux torts exclusifs de la
première défenderesse ;
Condamne la première
défenderesse à
rembourser aux parties demanderesses l’équivalent de la
partie de l’acompte conservée
par le courtier
des défenderesses, soit 7.198,83 € ;
Condamne la première
défenderesse à
verser aux parties demanderesses l’indemnité
conventionnelle de dix pour cent du
prix de vente du
bien, soit 19.831,48 € ;
Condamne la première
défenderesse à
rembourser aux parties demanderesses :
(...)l
;
- 1.616,31 € plus 7,52 €, soit au
total 1.623,83
€ ; aux titres de loyers du 1er juin au 31 août 2002 et
d’indexation du mois d’août
2002 ;
- 220 € et 105,57 € respectivement au
titre
des frais de conseiller hypothécaire et d’assurance,
soit un total de 325,57 € ;
Condamne la première
défenderesse à
verser aux demanderesses les intérêts, au taux
légal,
à
compter du 29 novembre 2001, sur la
partie de l’acompte
non restituée, de 7.198,83 € ;
Condamne la première
défenderesse à
rembourser aux parties demanderesses les dépens de
l’arbitrage proprement dit, d’ores et
déjà
liquidés à la somme de 1.000 € ;
Condamne la première
défenderesse à
l’intégralité des autres frais et dépens de la
procédure
;
Précise que chacune des
parties demanderesses n’est
habilitée à réclamer, pour ce qui la
concerne, l’exécution de la
présente sentence
qu’en proportion de sa quotité mentionnée au compromis de
vente, soit respectivement 5/10 pour G., 2/10 pour L., 3/10 pour le C.
;
(...)
______________________________________
|