JURISPRUDENCE
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BAUX - SENTENCE ARBITRALE
Audience du 1er mars 2002
B / VG
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1. Vu la demande d’arbitrage
introduite en langue française
par la partie demanderesse en date
du 10 décembre
2001 ;
2. Vu la clause d’arbitrage
contenue dans la convention
de bail conclue entre parties le 11
octobre 2000
(article 16) ;
3. Vu le rapport d’expertise
établi le 14 février
2002 par Madame H. et Monsieur D. ;
4. Vu les conclusions des parties
;
5. Entendu les parties à
l’audience du 1er mars
2002, à laquelle elles furent convoquées par
courrier du 1er
février 2002
;
6. Vu la loi sur l’arbitrage ;
7. Vu le règlement de
procédure de la Chambre
d’Arbitrage et de Médiation, applicable
en
l’espèce, les parties ne
s’étant pas entendues sur d’autres modalités.
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Attendu qu’il ressort des
éléments de la
cause que les parties s’accordent à affirmer que la poursuite
des
relations
contractuelles découlant du bail du 11 octobre 2000 n’est
plus envisageable ;
Attendu que la partie demanderesse
postule la résolution
de cette convention aux torts de la
partie défenderesse en raison
de la rétention
par cette dernière de l’intégralité des loyers des
mois de juin et juillet 2001, soit au
total 2974,72 euros,
de celle d’une somme de 788,28 euros
sur le loyer du mois de janvier 2002,
du non-paiement
du loyer de février 2002, soit 1531,96 euros
et d’un arriéré
d’indexation de 89,20 euros
;
Attendu qu’elle réclame,
outre le versement de
l’entièreté des montants impayés et des
intérêts
moratoires conventionnels, celui du
loyer du mois de
mars 2002 (cette dernière demande,
formulée à l’audience,
fut débattue
contradictoirement) et le délaissement des lieux par la
partie
défenderesse ;
Attendu que la partie
défenderesse signale que
sur le loyer de février 2002, elle aurait opéré
une
rétention à concurrence
de la moitié
de la somme due, bien qu’elle n’apporte aucune preuve du
paiement de quelque montant que ce
soit à ce niveau
;
Attendu que la partie
défenderesse, qui signale
également opérer rétention, à concurrence
de
la
moitié, sur le loyer de mars
2002, justifie son
attitude par des déficiences de chauffage du bien
loué et l’existence de
problèmes d’humidité
affectant son dressing, ainsi que les carences de la
partie demanderesse dans la
résolution de ces
inconvénients ;
Qu’elle affirme que la partie
demanderesse, parfaitement
au courant, selon elle, de problèmes
d’humidité au moment de la
conclusion du bail,
lui en aurait alors sciemment tu l’existence ;
Attendu qu’elle précise que
ses vêtements
rangés dans le dressing ont subi en conséquence
des dégradations
résultant de l’état
d’humidité de la pièce (et des placards), qu’elle chiffre
à
2.375 euros, suivant devis d’un
teinturier ;
Attendu qu’elle indique
également que le mauvais
positionnement de la fosse septique cause
un défaut d’écoulement
des eaux usées,
rendant indispensables plusieurs vidanges l’an ;
Attendu qu’elle réclame en
conséquence de
son propre côté la résolution du bail aux torts de
la
partie demanderesse, avec allocation
d’une indemnité
pour préjudice moral et indemnisation de
frais de déménagement
de 4.595,88 euros,
d’une indemnité de 2.106,44 euros pour trouble de
jouissance affectant l’utilisation du
dressing, d’une
somme de 2.375 euros pour nettoyage des
vêtements endommagés,
ainsi que d’un montant
de 287,95 euros au titre de remboursement des
frais exposés en vidanges de
la fosse septique
;
Attendu qu’elle sollicite en outre
le remboursement d’un
examen des conduites d’eau situées
dans le dressing, effectué,
pour un prix de 393,25
euros, par la firme A. postérieurement à la
visite réalisée par les
experts désignés
par le tribunal ;
Attendu que ne peut être
imputée à
faute de la partie demanderesse la qualité de l’installation
de
chauffage reprochée par la
partie défenderesse
;
Attendu que le rapport d’expertise
de Monsieur D., s’il
constate que des améliorations de
l’installation peuvent encore
être apportées
au niveau de la répartition des zones de chauffe,
établit néanmoins que
toutes les conditions
sont réunies pour un fonctionnement optimal du
chauffage compte tenu des habitudes
particulières
adaptées au type ancien de la construction
(le tribunal note que celle-ci fut
sciemment adoptée
par la partie défenderesse) et que
l’alimentation en eau chaude des
sanitaires ne réclame
aucune intervention impérative ;
Attendu, en ce qui concerne les
problèmes d’humidité
exposés par la partie défenderesse,
qu’il ne fait aucun doute qu’ils ont
préexisté
à la conclusion de la convention de bail ;
Attendu qu’il y a lieu de relever
sur ce point que l’état
des lieux d’entrée réalisé par l’expert P.
relevait, dans le dressing, un
gonflement important du
revêtement du sol, quoique localisé ;
Attendu toutefois que
l’étendue des infiltrations
et de ses conséquences constatées par
l’expert H. dans les placards du
dressing, non décelée
au moment de la conclusion du bail et de
l’état des lieux
consécutif, confère
indéniablement au désordre le caractère de vice
caché,
nonobstant le décollement des
lattes du parquet
remarqué à l’époque de la conclusion du bail ;
Qu’en effet, la partie
défenderesse ne pouvait
raisonnablement pas appréhender l’ampleur, voire
l’existence même du
phénomène d’humidité
à cet instant;
Attendu que rien ne permet
d’affirmer, d’autre part, à
l’analyse du dossier, que la partie
demanderesse ait été au
courant du vice
caché au moment de la signature du contrat de bail ;
Attendu que le tribunal tient pour
établi que cette
même partie demanderesse a toujours agi
avec bonne foi ;
Attendu, tout d’abord, que
l’expert P. lui communiquait
que les observations émises le 9
décembre 2000 par la partie
défenderesse
sur l’état des lieux d’entrée ne requéraient
aucune
réaction ;
Attendu, ensuite, qu’avisée
par la partie défenderesse
des problèmes d’humidité tels que
décrits par celle-ci dans son
courrier du 12 juin
2001, elle a fait appel à un entrepreneur,
Monsieur V., dont l’intervention,
programmée pour
la mi-août 2001, fut postposée au 9
septembre (voir la correspondance
échangée
entre Maître D. et Maître F. le 6 septembre 2001)
en raison d’un empêchement
exprimé par la
seule partie défenderesse ;
Attendu que le tribunal a
lui-même constaté,
lors de la descente sur les lieux du 1er février 2002,
la reconnaissance par la partie
demanderesse de la justesse
d’une indemnisation d’un trouble
de jouissance du dressing, son
acceptation de réaliser
avec diligence des travaux recommandés
par les experts, tels ceux portant
sur le dressing (réparation
des dégâts, ventilation) ou la
chaufferie (ventilation), et de
rembourser l’intégralité
des frais récurrents de vidange et de
nettoyage de la fosse septique ;
Attendu par ailleurs que le vice
caché d’humidité
du dressing (qui était encore utilisé au jour
de la descente sur les lieux) ne
justifie pas une résolution
du bail aux torts de la partie
demanderesse, compte tenu de son
caractère limité
et de l’attitude constructive de cette même
partie demanderesse ;
Attendu, inversement, que la
manière avec laquelle
la partie défenderesse a géré ses droits et
obligations à l’égard
de la partie demanderesse
sont contraires au comportement d’un
« bon père de famille
» et au principe
d’exécution de bonne foi des conventions ;
Attendu, en effet, que la partie
défenderesse n’a
émis aucune doléance au sujet de l’état du
bien et d’une quelconque carence de
la partie demanderesse,
entre le moment où celle-ci lui
signalait la réaction de
l’expert P. aux observations
écrites du 9 décembre 2000 et celui où elle
reçut mise en demeure,
datée du 8 juin
2001, d’honorer le loyer du mois de juin 2001 ;
Que, d’autre part, se plaignant,
dans ses observations
du 9 décembre 2000, de l’existence
d’ « une forte odeur de moisi
et de traces »
dans les penderies du dressing, elle y a laissé des
vêtements (ce qu’a d’ailleurs
constaté le
tribunal le 1er février 2002, lors de sa descente sur les
lieux), dont elle réclame
aujourd’hui le paiement
de frais de nettoyage à charge de la partie
demanderesse ;
Attendu que le tribunal ne peut en
conséquence
suivre l’argumentation sur le caractère
insidieux de la dégradation de
ces vêtements,
pas plus que celle, peu plausible, selon laquelle
le dommage n’a pu être
constaté immédiatement,
faute d’ouverture quotidienne systématique
des placards ;
Attendu que le tribunal tient
aussi pour acquis que le
trouble décrit le 9 décembre 2000 était
connu de la partie
défenderesse antérieurement
à cette date, cette même partie ayant attendu,
pour l’exposer, la réception
de l’état
des lieux d’entrée ; qu’à cet égard, elle
rapportait
dans sa
lettre du 12 juin 2001 que le
problème d’humidité
ne s’était pas amélioré depuis son entrée,
le 1er
novembre 2000 ;
Attendu que la partie
défenderesse justifie à
l’audience le maintien de vêtements dans les
penderies par l’impossibilité
de les installer
totalement dans une autre pièce de l’habitation ;
Attendu que l’on peut reprocher
légitimement à
la partie défenderesse, non seulement de ne pas
avoir pris en connaissance de cause
les précautions
nécessaires pour préserver ses effets du
dommage constaté, mais
également d’avoir
amplifié ce dernier, compte tenu, entre autres, de
l’ampleur des dégâts
d’humidité communiquée
le 12 juin 2001 ;
Attendu, en effet, qu’en lieu et
place de s’abstenir à
ce niveau de formuler une quelconque
revendication entre la notification
par la partie demanderesse
de la réponse de l’expert P. aux
observations du 9 décembre
2000, et l’instant
où cette partie demanderesse, ignorante des
développements du
phénomène d’humidité,
lui rappelait plusieurs mois plus tard le paiement du
loyer de juin 2001, elle eut pu, face
à la difficulté
aujourd’hui affirmée de procéder à un
déménagement de
l’intégralité
de ses vêtements dans une autre pièce du bien loué,
faire valoir
sans délai et clairement ses
droits éventuels
à l’égard de la partie demanderesse, de manière
à
laisser à celle-ci le moyen de
remédier
avec diligence aux désordres signalés ;
Attendu que le tribunal tient
également pour acquis
que l’amplification du préjudice subi par la
partie défenderesse
résulte aussi d’une
trop grande sobriété de sa consommation de chauffage ;
Que la descente sur les lieux
opérée par
le tribunal le 1er février 2002 a révélé la
fraîcheur de la
température des pièces
du rez-de-chaussée
(où se situe le dressing), en particulier du hall
d’entrée ;
Que l’expert D. notait tout
d’abord à cette date
que la température de consigne des thermostats
d’ambiance était
respectivement inférieure
à 15 degrés pour la salle de bain (la fenêtre du
dressing attenant étant de
surcroît ouverte
lors de la visite) et de 18 degrés dans le salon ; qu’il
évaluait ensuite, compte tenu
des informations
fournies par la partie défenderesse elle-même,
une consommation de mazout d’environ
4000-4500 litres
destinée tant à chauffer le bien qu’à
assurer la production d’eau chaude
sanitaire, une telle
consommation devant selon lui être
considérée comme
« très économique
» ; qu’il relevait que la vanne du radiateur
intégré
dans
l’armoire du hall d’entrée
était totalement
fermée et, qu’à supposer qu’elle fût ouverte,
l’encombrement de ladite armoire,
constaté également
par le tribunal, causait un obstacle à la
circulation de l’air chaud
(convection naturelle) ;
Attendu que le comportement
inadapté de la partie
défenderesse aux circonstances est de plus
confirmé par le manque de
transparence et de loyauté
dont elle a fait preuve dans le cours même
de la procédure arbitrale
à l’appui de
ses arguments et prétentions relativement à
l’humidité
du
dressing ;
Attendu, en effet, que
déclarant mettre en doute
la validité des constatations effectuées le 1er
février 2002 dans le dressing
par l’expert H.,
d’où il ressort que la pièce était en phase de
séchage consécutivement
à l’intervention
de Monsieur V. en septembre 2000 (consistant en la
suppression du raccord de la descente
d’eau de pluie
au niveau de la chambre de visite,
le raccord de celle-ci à
l’avaloir existant, la
condamnation de la conduite passant sous la pièce
et le détournement des eaux
par une tranchée
extérieure), la partie défenderesse a fait
procéder
ultérieurement et de
manière unilatérale
par la firme A. à un nouvel examen du dressing, en
particulier au niveau des
canalisations ;
Attendu que ce
procédé ne peut être
accepté dans la mesure où il appartenait à la
partie
défenderesse de
réclamer le cas échéant
du tribunal, de manière contradictoire, soit un
complément d’expertise du
spécialiste déjà
désigné par le tribunal, soit une contre-expertise,
éventuellement en
présence du tribunal,
à l’instar de ce qui fut décidé par celui-ci le
10 janvier 2002 ;
Attendu que l’on rappellera que
selon l’expert H., tant
le revêtement de sol de la penderie que
les parties murales et cloisons
atteintes par l’humidité
étaient en voie de séchage
suite aux travaux
réalisés par Monsieur
V. ; que cet expert a estimé, à titre de
réserves,
qu’il serait nécessaire de
supprimer à
l’extérieur, à hauteur de la façade attenante, le
coude
en grès se trouvant à
la base de la descente
d’eau pluviale ainsi que tous les raccords, de
connecter la descente directement au
puits perdu et de
contrôler l’évolution du séchage afin de
s’assurer qu’il n’y a pas d’autres
causes à l’origine
de l’humidité et que les remèdes
préconisés
sont suffisants ;
Attendu que la possibilité
était ainsi donnée
aux parties et au tribunal de suivre de près et de
manière appropriée
l’évolution de
la situation, quelle qu’en soit l’ampleur ;
Attendu, pour le surplus, que le
rapport unilatéral
de la firme A., dont la rédaction ne permet
pas de déceler avec certitude
l’orientation géographique
de l’ensemble des constatations,
semble faire état de
désordres situés
à l’intersection d’une penderie et de la baignoire de la
salle de bain ; qu’à cet
égard, il est
patent que, requise par le tribunal et les experts lors de la
descente sur les lieux du 1er
février 2002 de
circonscrire l’emplacement précis de parties atteintes
par l’humidité, la partie
défenderesse
n’a nullement indiqué cet endroit ;
Attendu, en conséquence de
ce qui précède,
que la rétention de loyer opérée par la
partie
défenderesse, certes
légitimée en
son principe par l’existence avérée d’un trouble de
jouissance
imputable à la partie
demanderesse, ne se justifiait
toutefois nullement, pour les motifs déjà
exposés, par les
dégâts causés
aux vêtements de la partie défenderesse ni par le
fonctionnement
de l’installation de chauffage du
bien loué ;
Que cette rétention a de
surcroît excédé
de manière tout à fait disproportionnée le trouble
de
jouissance estimé par expert
et reconnu par le
tribunal ;
Attendu qu’il y a en
conséquence lieu de faire
droit à la demande de la partie demanderesse
dans la mesure ci-après, en
tenant compte du trouble
de jouissance du dressing, reconnu
par elle, tel qu’établi et
chiffré par
le rapport d’expert suite à la descente sur les lieux (le
tribunal
admettant le montant de 1.506,6
euros), et du remboursement
justifié et reconnu des frais de
vidange de la fosse septique
exposés par la partie
défenderesse, et facturés à concurrence de
287,95 euros (cumul des factures des
firmes B. – 20 juin
2001- et D. – 4 juillet 2001) ;
PAR CES MOTIFS,
(...)
Prononce, à dater de ce
jour, la résolution
du bail aux torts de la partie défenderesse ;
(...)
Déboute la partie
défenderesse de ses demandes
de remboursement de la facturation de la firme
A., d’indemnisation des frais de
nettoyage de ses vêtements,
de préjudice moral et de
déménagement ;
Condamne la partie
défenderesse à verser
à la partie demanderesse :
- le loyer des mois de juin et
juillet 2001, soit 2.974,72
euros, dont à déduire les sommes de
1.506,6 euros et 287,95 euros
dus par la partie
demanderesse respectivement en réparation du
trouble de jouissance du
dressing et en remboursement
des frais de vidange de la fosse
septique ;
- le solde du loyer de janvier 2002
restant dû,
soit 788,28 euros (compte tenu du paiement, le 1er
février 2002, de
la somme de 743,68
euros) ;
- le loyer du mois de
février 2002, soit
1.531,96 euros (compte tenu de l’affirmation faite, sans
preuve, par la partie
défenderesse
à l’audience, d’un paiement partiel de ce loyer) ;
- l’arriéré
d’indexation afférent
au loyer des mois de novembre et décembre 2001,
soit 89,20 euros ;
Compte tenu du caractère
raisonnable du taux conventionnellement
prévu,
condamne la partie
défenderesse à payer,
pour la période courant du 2 février 2002 jusqu’à
parfait paiement, les
intérêts conventionnels
de 12 pour cent l’an sur le solde de 3.589,61 euros
résultant de la compensation
des montants précités
;
condamne la partie
défenderesse à payer
les intérêts moratoires conventionnels de ce
même
taux, établis au 1er
février 2002 à
269,07 euros ;
Condamne la partie
défenderesse, qui déclare
à l’audience, sans preuve à l’appui, avoir acquitté
le loyer de mars 2002 après
rétention de
la moitié de la somme due (celle-ci étant
conventionnellement payable par
anticipation pour le
premier mars), à verser l’intégralité du dit
loyer à la partie
demanderesse, soit 1531,96 euros
;
(...)
Condamne la partie
défenderesse à verser
à la partie demanderesse une indemnité de procédure
de 500 euros (indemnité dont
le niveau de principe
a été convenu par les parties à l’audience
« pour compte de qui il
appartiendra ») ;
(...)
Ainsi jugé et signé
à Bruxelles le
7 mars 2002
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