CHAMBRE D'ARBITRAGE & DE MEDIATION asbl
Concilier et Progresser - Rapidement, Démocratiquement
DOCTRINE
________________________________________________________________

L’ARBITRAGE ET L’EXPULSION EN MATIERE DE BAIL DE RESIDENCE PRINCIPALE ET DE BAIL COMMERCIAL PORTANT SUR UN BIEN SERVANT DE DOMICILE OU DE RESIDENCE

Olivier DOMB, Chambre d’Arbitrage et de Médiation – août 2001

 La loi du 30 novembre 1998, tendant à ce qui a été appelé l’humanisation des procédures d’expulsion des 
 locataires-personnes physiques, n’a manifestement pas pris en compte la procédure l’arbitrage.

 Il s’agit là vraisemblablement davantage d’un oubli que d’une intention particulière du législateur.

 On rappellera que le contentieux locatif est légalement susceptible d’être réglé par arbitrage, que les textes sur 
 lesquels reposent les différends soient supplétifs (en principe le droit commun du bail) ou impératifs 
 (réglementations particulières, telles que le droit du bail de résidence principale et du bail commercial).

 La loi du 30 novembre 1998 prévoit, entre autres, qu’une décision d’expulsion ne peut être exécutée en tout état
 de cause qu'après un délai d'un mois suivant la signification du jugement, à moins que le bailleur ne prouve
 l'abandon du bien, que les parties n'aient convenu d'un autre délai, cet accord devant être constaté dans le
 jugement, ou que le juge prolonge ou réduise ce délai à la demande du preneur ou du bailleur qui justifie de 
 circonstances d'une gravité particulière, notamment les possibilités de reloger le preneur dans des conditions 
 suffisantes respectant l'unité, les ressources financières et les besoins de la famille, en particulier pendant l'hiver.

 Si, à priori, une telle disposition semble avoir une portée générale, il s’agit toutefois de la replacer dans son 
 contexte: elle s'applique à toute demande introduite par requête écrite, par citation ou par comparution volontaire, 
 tendant à l'expulsion d'une personne physique qui a conclu un bail de résidence principale ou un bail commercial 
 relatif à un bien lui servant de domicile ou, à défaut, de résidence.

 Par requête écrite, citation ou comparution volontaire, on entend en l’occurrence les procédés introductifs d’une 
 instance devant le juge de paix moyennant respect des conditions de forme édictées par le code judiciaire.

 Or, ces procédés ne concernent pas un tribunal arbitral, lequel peut être valablement saisi par simple courrier 
 unilatéral ou bilatéral, selon les modalités réglées par les parties ou le tribunal arbitral.

 Le lancement d’une procédure d’arbitrage ne requiert donc nullement en principe l’intervention d’un greffe ou
 d’un huissier, ni un formalisme contraignant de comparution volontaire, ni la production de certificats tels que celui 
 de résidence à délivrer par une commune.

 D’autres considérations confirment l’oubli du législateur.

 En effet, une requête, une comparution volontaire ou une citation répondant aux prescrits du code judiciaire dans le
 cadre d’une demande tendant à l’expulsion d’un locataire contraignent le greffe de la justice de paix, en cas de 
 requête et de comparution volontaire, et le huissier, dans celui de la citation, à transmettre copie de ces actes au 
 Centre public d’aide sociale du domicile, ou à défaut, de la résidence du preneur, sauf opposition de ce dernier.

 L’exécution de ce mécanisme administratif est totalement étrangère à la procédure mue devant un tribunal arbitral, 
 lequel n’est pas doté d’un greffe au sens du code judiciaire, et dont la saisine ne fait pas en principe intervenir 
 d’huissier de justice.

 On pouvait se demander si certains aspects de la loi trouvaient tout de même à s’appliquer à la procédure 
 d’arbitrage.

 Il en est ainsi, au stade de la signification du jugement d’expulsion, de l’obligation faite à l’huissier d’aviser le
 preneur ou les occupants du bien de la date effective de l'expulsion en respectant un délai de cinq jours ouvrables, 
 ou encore de la notification par cet huissier que les biens qui se trouveront encore dans l'habitation après le délai 
 légal ou le délai fixé par le juge seront mis sur la voie publique à ses frais et, s'ils encombrent la voie publique et que
 le propriétaire des biens ou ses ayants droit les y laisse, qu'ils seront, également à ses frais, enlevés et conservés 
 durant six mois par l'administration communale, sauf s'il s'agit de biens susceptibles d'une détérioration rapide ou 
 préjudiciables à l'hygiène, à la santé ou à la sécurité publique.

 La réponse semble être négative, car ces formalités sont expressément liées par la loi à la signification de jugements 
 rendus par le juge de paix, sur base d’une requête, d’une comparution volontaire ou d’une citation.

 Et le tribunal arbitral ne pourrait d’initiative transmettre à un Centre public d’aide sociale copie d’une demande ou 
 d’une sentence arbitrale ayant pour objet l’expulsion d’un locataire.

 En effet, la procédure arbitrale –et c’est là paradoxalement un des avantages qui lui sont attribués et largement 
 reconnus- se caractérise par sa confidentialité.

 Toutefois, rien n’interdit une transmission de ces documents à un centre public d’aide sociale, de l’accord de 
 l’ensemble des parties, un accord que le tribunal doit rechercher, entre autres dans le respect des réticences 
 possibles d’un locataire, d’ordre tant moral que matériel, à l’information ou l’intervention d’un tiers dans sa vie 
 privée.

 Il n’est reste pas moins que ni un arbitre, ni un huissier ne pourraient, dans l’état actuel de la législation, surseoir 
 d’autorité sur base de la loi du 30 novembre 1998 à l’exécution d’une sentence arbitrale d’expulsion, sans
 préjudice de la faculté de l’arbitre d’assortir sa sentence de termes et délais dans le respect du droit commun, mais
 alors sans référence à la loi précitée.

 Il appartient au législateur de réparer son oubli, parce qu’il ne devait certainement pas entrer dans son esprit ni
 dans ses objectifs d’humanisation des procédures d’expulsion d’établir une discrimination à ce niveau entre 
 locataires impliqués dans une procédure judiciaire et ceux concernés par une  procédure arbitrale, quel que soit le 
 degré d’humanité de celle-ci, d’autant qu’une procédure d’arbitrage, de la saisine à l’expulsion, peut être une 
 affaire de quelques semaines seulement.

__________________________________________________